La respiration.

Qu’y-a-t-il de plus naturel que de respirer ?

Rien ; puisque nous arrivons au monde avec une profonde inspiration et que nous repartirons avec une dernière expiration.
Et entre les deux, nous allons passer toute notre vie à faire rentrer et sortir de l’air de nos poumons sans même nous en rendre vraiment compte. A part peut-être quand nous allons beaucoup courir, quand nous allons plonger en apnée ou quand à la suite d’une grande frayeur notre souffle va s’en trouver immédiatement affecté. Sinon, absence totale d’observation de ce précieux mécanisme qui nous permet de rester en vie. Elle est tellement naturelle, que nous négligeons cette fonction vitale.
Le Yoga, tout au contraire, va utiliser la respiration pour nous aider à diriger notre attention vers quelque chose qui nous relie entre l’extérieur et l’intérieur. Telle une passerelle que nous empruntons et qui nous permet de relier deux mondes distincts.
En effet, le souffle prend ses racines dans l’immensité de l’espace qui nous entoure pour nous conduire vers notre intériorité.

         Notre comportement habituel, conditionné et entretenu par une société où le visuel et le sonore s’approprient notre attention et nourrissent nos désirs, fait que nous sommes quasiment en permanence observateur des images qui nous entourent ou de celles qui nous sont importées par le biais  des nombreux écrans qui jalonnent notre quotidien.

Le terme «pranayama» que nous utilisons fréquemment dans la pratique du Yoga se définit ainsi: c’est la discipline du souffle au travers de la connaissance et le contrôle du prana, énergie vitale universelle.

             En fermant les yeux et en dirigeant notre attention sur le va et vient du souffle dans les poumons, nous accédons à un tout autre mode de relation au réel. Nous coupons de fait l’attention portée sur les images matérielles pour la diriger vers du non palpable, du non visible ; un élément léger dont le mouvement va devenir au fil du temps un fil conducteur vers un espace qui va progressivement nous être de plus en plus familier.
Nous allons, grâce à une pratique régulière, découvrir un tout autre univers insoupçonné ; rien à voir, rien à entendre, le silence intérieur, un espace infini.
Notre souffle devient notre guide : nous laissons un monde agité pour un espace calme.

             Et la respiration devenant consciente va progressivement calmer notre corps, le détendre ; détendre à la fois le corps physique qui va sur le flux et le reflux du souffle, relâcher les tensions musculaires, mais aussi participer à calmer le mental et commencer, puis  cultiver  ainsi une mise à distance des perturbations émotionnelles : désirs, angoisses, colère, anxiété …

            Car la respiration, qui n’a pas besoin de nous pour assumer son rôle essentielle à la vie, peut aussi quitter ce pilotage automatique pour venir se placer sous le contrôle de notre volonté. Elle devient ainsi un instrument entre nos mains pour influencer le corps physique, le rapport aux émotions et le ressenti.

Dans notre pratique du Yoga, nous associons le souffle avec le Prana, qui correspond à une énergie subtile. Ainsi, au fil de notre pratique, devenons-nous plus apte à comprendre et à ressentir que l’air ne nous apporte pas seulement l’oxygène dont nous dépendons absolument, mais aussi cet élément beaucoup moins scientifiquement évaluable, mais que les yogis estiment tout aussi essentiel : le Prana, énergie subtile de vie.

Dans la pratique de la méditation, il peut ainsi nous arriver parfois de nous apercevoir qu’à certains moments, notre souffle s’est arrêté ; un instant de conscience où tout est suspendu.
Ce petit clin d’œil intérieur peut nous permettre de mesurer le chemin parcouru entre notre mental turbulent, compagnon du quotidien, quand il est soumis à l’agitation parfois extrême de la société et cet instant que nous avons grâce à une pratique persévérante, touché au plus calme de nous-mêmes.

Bhakti Yoga

Certains diront en écoutant des chants dévotionnels : « c’est une secte ! »

Que répondre à cela ?

Tout d’abord que ce jugement facile relève d’une profonde méconnaissance de nombreux paramètres.

            Culturellement, nous sommes habitués à entendre depuis notre plus jeune âge certains genres musicaux ; comme ils nous accompagnent depuis notre enfance, ils nous sont devenus vraiment très familiers. Que ce soit de la variété, du classique, de la pop ou du folk.

            Si nous ne sommes pas naturellement attirés par les musiques du monde, nous serons tout autant surpris par la musique des derviches tourneurs que les chants grégoriens, les musiques yiddishes ou les rythmes des natifs américains.

            La musique indienne a son  propre référentiel et peut au premier abord être surprenante : les rythmes, les sonorités,  les mélopées  des chants. Les instruments utilisés sont aussi fort différents de ceux que nous connaissons en Europe.

            Puis l’attitude des personnes qui la pratiquent ou qui l’écoutent. En effet, cette pratique des chants dévotionnels s’inscrit souvent dans le cadre d’une démarche plus globale. En effet, quand quelqu’un chante ou écoute de la variété ou du jazz, cela ne lui demande pas de se relier spirituellement à une démarche (chose que l’on retrouve dans les chants liturgiques des églises, des synagogues ; dans le gospel) ; Ainsi est-on surpris du cadre et de l’attitude des participants.

            Les Bhajan ( du sanskrit « bhajana » : adoration) sont très souvent reliés à une attitude dévotionnelle.

            La position du corps (souvent assis sur le sol), l’orientation de l’esprit, l’intention qui sous-tend la démarche : tout est important ; car en effet, cette musique n’est pas neutre.

            Ce n’est pas une musique profane ; elle s’appuie sur la prononciation rigoureuse d’un mantra, qui est lui-même porteur d’une énergie. Cette musique n’est pas neutre, et c’est bien pour cela qu’elle fait partie intégrante de notre pratique du Yoga.

Pour la grande majorité des personnes qui ne connaisse pas le Yoga, il n’est souvent que synonyme de postures. Alors qu’il est constitué de nombreuses branches dont celle-ci n’est pas la moindre.

            La répétition des mantras et l’accompagnement musical, souvent tabla, tampura, mridangam et harmonium, ont une influence sur le mental, sur l’énergie qui nous anime.

            Pour bien comprendre ce qui est mis en jeu dans cette attitude dévotionnelle, il serait judicieux de faire la démarche de vouloir savoir ce qu’est un mantra, ce qu’il peut avoir comme effet sur le mental et sur la conscience ; et l’idéal serait d’être au préalable soi-même déjà investi dans la pratique posturale du Yoga, ce qui faciliterait la compréhension d’une participation  à un bhajan.
            Mais, là encore, tout cela est relié à une culture tellement différente de la notre que la première réaction va plutôt vers le jugement que vers un essai de compréhension. La notion de mantra dépasse l’esprit cartésien occidental et cela va demander du temps pour pouvoir accéder à ce nouveau paradigme.

           Pour la personne qui va commencer une pratique du Yoga, cette approche des bhajan, peut l’amener à se confronter à deux notions.

  • Tout d’abord, prendre conscience que nous sommes peut-être hermétiques à toute nouveauté, que nous nourrissons des à priori.
  • Puis ensuite, nous apercevoir que si nous nous laissons aller à chanter nous aussi, il y a d’une part une envie naturelle à partager ces rythmes, comme le fait naturellement un enfant quand il danse au son d’un instrument ou qu’il frappe dans ses mains. Et d’autre part, que si nous nous laissons aller, que nous lâchons prise, quelque chose se passe, qui nous entraîne,  nous fait vibrer, nous transporte.

Peut-être est-ce aussi cela dont nous avons inconsciemment peur.  Le lâcher-prise qui nous amène à perdre le contrôle de notre petit ego, pour nous joindre à une danse cosmique beaucoup plus grande.

Vous pouvez trouver sur youtube des chants tels que ceux que nous chantons lors de notre pratique:
“Sri Ram Jaya Ram-Sivananda Chants”

“Shiva Shiva Mahadeva-Sivananda Chants”

Les Asanas

            Dans cette société, la compétition est souvent sous-jacente dans les rapports humains. Et qui dit compétition, nous amène à nous comparer : plus beau, plus fort, plus riche, plus intelligent, plus puissant ….ou moins.

            Notre esprit est ainsi emprunt de mesure : le poids, la longueur, le prix..

Tout est quantifiable et souvent quantifié. Et notre esprit conditionné nous amène en permanence, inconsciemment, sans nous en rendre compte, à nous mesurer ; c’est toujours moi par rapport aux autres. Mon voisin, mon collègue de bureau, mon ami, mon père, mon frère….

            Voiture plus puissante, maison plus grande, enfants plus beaux, plus de muscles, plus de charme….

            Cela amène inconsciemment jalousie, convoitise, honte, amertume, ambition ; beaucoup de sentiments qui nous déstabilisent, nous tiraillent et ne nous rendent pas vraiment heureux.

            Dans notre pratique du Yoga, nous abandonnons tous ces critères, ces motivations.

Lorsque nous  pratiquons les asanas, le pranayama, nous sommes avec les autres, parmi les autres, mais surtout comme les autres. Car dans l’esprit du Yoga, nous sommes tous habités par la même potentialité divine, il n’y a aucune différence ; chacun de nous est sur le même chemin, à un stade différent et cela n’a aucune importance.

            Certains diront que c’est une démarche égoïste et cela est encore un jugement totalement infondé. Quand on essaie de comprendre quel est le véritable sens de notre pratique, on s’aperçoit qu’être auto-référent  n’a rien à voir avec l’égoïsme. Bien au contraire, car reprendre contact avec son Être intérieur, c’est reprendre contact avec cet espace commun à tous les hommes. Nous avons en nous un espace de silence partagé par tous. Et nous ne pouvons  y accéder qu’en engageant  une démarche volontaire, décidée par nous seuls.

Ce n’est pas être égoïste, c’est au contraire avoir la volonté, l’intention de rompre avec cette identification à notre image pour nous établir sereinement dans le ressenti intérieur.

            La pratique des asanas, peu importe notre souplesse, notre capacité physique, vise à nous rapprocher du ressenti intérieur : devenir enfin présent dans l’ici et maintenant. Nous ne sommes ni dans une logique de challenge ou de réussite, encore moins de compétition. Un cours de Yoga est un partage, une participation à une démarche commune ; c’est partager une intention ; celle de rejoindre notre véritable nature, sereine et joyeuse.

            Peu importe où nous en sommes dans l’exécution d’une posture, l’essentiel étant d’y être totalement, d’y respirer et de s’y abandonner. La pratique les yeux fermés nous aide à nous concentrer sur le ressenti intérieur et à laisser de côté le regard qui nous conduit souvent à la comparaison.

            Cela demande à être tolérant avec soi-même, dans l’acceptation des capacités actuelles de son propre corps. D’ ailleurs la souplesse n’est en aucun cas le gage d’une pratique fructueuse ; on peut être présent dans une posture quand le corps est raide et ne pas l’être dans une posture souple.

Le corps et le mental peuvent être des pièges ; la conscience seule, peut devenir le véritable chemin vers la liberté.
Le chemin à la lumière du Yoga.

Pour ceux et celles qui seraient intéressés (ées) par une vidéo de la salutation au soleil, je conseillerais de regarder sur youtube celle que vous trouverez en tapant: “Hatha Yoga: Surya Namaskar- Sun Salutation”

Elle est lente et précise, bien filmée et le cadre de la prise de vue est très inspirant.